Par Le National
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Amnesty dresse un bilan des discriminations contre les homosexuels dans le monde

PARIS, 22 juin (AFP) - L'homosexualité est encore interdite par la loi dans au moins 70 Etats et reste considérée dans de nombreux autres pays comme une déviance, prétexte à discriminations et persécutions, dénonce Amnesty International dans un rapport rendu public vendredi.

"Un peu partout dans le monde, des lesbiennes, des homosexuels et des personnes bisexuelles et transsexuelles sont torturés et ceci est passé sous silence", dénonce Amnesty dans son rapport intitulé "Identité sexuelle et persécutions".

"Au moins 70 Etats ont franchi le cap du 21e siècle avec des législations contenant des textes qui prohibent les relations homosexuelles", criminalisées sous l'appellation de "sodomie, actes immoraux ou scandale public" et parfois passibles de la peine de mort (en Afghanistan ou en Tchétchénie en vertu de la charia), dit le rapport.

"Ces discriminations légales, outre qu'elles privent un groupe de la population de ses droits les plus fondamentaux, font dans bien des cas office de +permis de torturer+", poursuit Amnesty.

Le rapport cite le cas de l'Ouganda où les homosexuels sont passibles d'emprisonnement à vie et où en 1999 "le président Yoweri Museveni a publiquement donné l'ordre à la police de les enfermer et les inculper". Ou de la Jamaïque, où en 1996 quatre hommes inculpés pour "outrage aux bonnes moeurs" auraient été victimes d'agressions sexuelles au département de la police chargé des affaires de viols.

En Malaisie, "l'accusation d'homosexualité a été le prétexte pour faire arrêter et condamner des opposants politiques comme l'ancien vice-Premier ministre Anwar Ibrahim, condamné en 1998 à neuf ans d'emprisonnement".

La torture et les mauvais traitements ne sont pas limités aux pays où l'homosexualité est illégale, souligne Amnesty.

"Parce que les préjugés ont été élevés à la hauteur d'une institution, leur force est telle que les lesbiennes, homosexuels et personnes bisexuelles et transsexuelles qui ont affaire à des représentants de la loi pour d'autres motifs risquent trop souvent d'être victimes de mauvais traitements", dit le rapport.

"La discrimination institutionnalisée peut contribuer à l'impunité dont bénéficient les policiers responsables de tels actes", et dans bien des cas la loi du silence protège les responsables et fait taire les victimes, ajoute-t-il.

Amnesty cite le cas d'un Américain arrêté en 2000 à Chicago après une dispute avec son propriétaire et ressorti du commissariat blessé au rectum après avoir été torturé, selon lui. Ou d'une Russe violée en 1997 par le policier moscovite auprès de qui elle venait se plaindre d'insultes homophobes.

En prison, les homosexuels sont particulièrement exposés, poursuit Amnesty citant des cas d'agressions en Jamaïque, aux Etats-Unis ou en France (à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, près de Paris, en 1999 à l'encontre de transsexuels).

Les mauvais traitements ne sont pas l'apanage de la police: des violences sont aussi dispensées à l'école, l'hôpital, au travail, ou en famille, insiste l'organisation.

"C'est souvent dans leur entourage proche ou au sein même de la famille que les gays et lesbiennes sont victimes", souligne le rapport évoquant le cas de jeunes lesbiennes -- particulièrement vulnérables -- contraintes par leur famille au mariage ou à des relations sexuelles avec des hommes.

Même dans certains pays où il n'y a pas d'incitation à la violence homophobe, "les autorités négligent d'intervenir avec la diligence voulue" pour empêcher les attaques, enquêter et traduire en justice, selon Amnesty qui cite notamment les Etats-Unis.