Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


SIDA et prévention, une histoire de sourds.

Par Pascal Lebel, Le National

Depuis plus de 11 ans, Act - Up Paris demande des campagnes ciblées et permanentes dans les médias audiovisuels. Des campagnes qui parlent ouvertement des pratiques à risques et des moyens de se protéger. Il aura donc fallu attendre l'été 1999, près de vingt ans après le début de l'épidémie, pour voir enfin à minuit un homosexuel parler de sida et de sexualité à la télévision, dans le cadre d'une campagne de prévention.

Le dispositif de prévention qui s'adresse à "tout le monde", pourvu que l'on ne soit ni toxicomane, ni homosexuel, que l'on ne se prostitue pas, que l'on ne fréquente pas les prostituées, que l'on ne trompe pas sa femme ou son mari que l'on ne soit pas incarcéré, ni étranger, que l'on ait plus de 18 ans mais moins de 35. Reste la politique des institutions sanitaires française en matière de prévention, les messages publicitaires de prévention, qui ciblent les homosexuels sont systématiquement relégués à des heures de faible audience, quand ils ne font pas l'objet d'une censure du gouvernement. Les populations les plus exposées au risque de contamination, sont simplement absentes de ces campagnes destinées aux médias grand public, sous le fallacieux prétexte de ne pas stigmatiser l'opinion.

Cette politique n'est rien d'autre que la version hypocrite d'une politique d'exclusion. C'est reconnaître de façon implicite, que la prévention devrait être menée uniquement, lorsque ce sont les hétérosexuels de race blanche, qui sont touchés et tans pis pour les autres, que l'on sacrifie sans aucun remords. Ouvrir le droit aux noirs, aux maghrébins, aux homosexuels, aux prostituées, aux toxicomanes, et aux prisonniers, a une représentation aux yeux de tous, et non plus seulement, à leurs propres yeux, dans les publications spécialisées. Cela serait rappeler à tous que le sida est le problème de chacun, et non pas seulement, d'une soit disante minorité. Toutes les études montrent, que l'on se préserve d'autant plus, lorsque l'on se sent moins exclu.

Ainsi, Madame Dominique Guillot, Secrétaire d'état à la Santé, ne s'adresse aux étrangers, qu'a l'occasion de maigres partenariats avec des radios communautaires. Aucun dispositif de prévention n'a inclus les détenus. Madame Dominique Guillot a simplement laissé aux bons soins de l'administration pénitentiaire, le choix de régler le problème. Cette administration, ayant jusque là, toujours récusé le problème du sida chez les détenus, on peut s'inquiéter à juste titre des conséquences à venir, de cette décision arbitraire.

Autre signe de l'indifférence des pouvoirs publics vis - à - vis des populations les plus touchées, l'absence d'une véritable étude épidémiologique. Ainsi, depuis deux ans, faute d'un traitement centralisé des données, personne ne connaît de façon rigoureuse le nombre de personnes séropositives en France. Dans le meilleurs des cas, nous disposons d'informations fragmentaires, à partir desquelles on devine, par extrapolation l'évolution de l'épidémie, sans en mesurer l'ampleur réelle. On interprète la remonté des maladies sexuellement transmissibles, dans la communauté homosexuelle comme l'indice d'une plus grande prise de risque, sans savoir combien de personnes ont pu être contaminées.

En entretenant cet état d'ignorance, les pouvoirs publics légitiment leur inaction. Une facilité, pour ne pas se mettre en état de prévarication vis à - vis de la population. Par ce fait, l'épidémie n'existe plus, et les exigences de chacun en matière de prévention sont simplement balayées ou ignorer !

L'association Act - Up Paris, ne cesse de faire entendre ses revendications au comité de pilotage de prévention mis en place, par la Direction Générale de la Santé chargée, depuis un an de définir les priorités des campagnes.

De deux choses l'une, soit ce comité se trouve en situation de pilotage automatique, auquel cas il serait bon de penser, à passer en mode manuel ou ce comité est si mal entendant, qu'il devrait alors être équipé d'appareils acoustiques, pour lui permettre d'entendre les critiques, et les suggestions qui lui sont adressées de vive voix. A moins qu'il ne faille lui pratiquer une greffe cérébrale, afin de lui donner la faculté d'analyser la situation, ce qui serait plus grave que je ne le pensais.