Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Au Zimbabwe, des méthodes peu orthodoxes pour tenter d'enrayer le sida

HARARE, 4 oct (AFP) - L'utilisation des préservatifs et l'abstinence apparaissent peu efficaces pour enrayer l'extension du sida au Zimbabwe, et l'usage de méthodes peu orthodoxes de la sorcellerie traditionnelle commence à devenir un recours, au grand dam du ministère de la Santé.

Ces méthodes consistent à aller voir un guérisseur qui va vous concocter une "potion magique" à base d'herbes rares et jeter un sort sur l'homme où la femme qui aurait l'idée de commettre l'adultère. Il n'est pas forcément nécessaire que la potion soit ingérée où appliquée sur le corps.

Résultat, l'infidèle se trouvera dans l'impossibilité d'avoir une relation sexuelle normale, soit parce que ses organes génitaux ne fonctionneront plus, soit parce que même s'il arrive à faire l'amour, il restera "collé" à son partenaire. Tout en étant ainsi ensorcelé, l'homme où la femme pourra en revanche continuer à avoir des relations avec son conjoint légitime.

Rien de scientifique dans ces pratiques basées sur des croyances ancestrales et que les Zimbabwéens appellent aujourd'hui, non sans humour, "verrouillage central", système qui permet de fermer toutes les portes d'une automobile à distance. Autre nom utilisé, "l'immobilisateur".

Chez les Tonga, ethnie minoritaire du Zimbabwe, ces méthodes sont utilisées pour empêcher les jeunes filles d'avoir des relations sexuelles avant le mariage. Le "verrouillage central n'est "déconnecté" qu'après qu'elles ont trouvé un mari.

Des professionnels de la santé du Zimbabwe veulent encourager le recours à ces méthodes, qu'ils considèrent comme complémentaires aux "remèdes" plus classiques que sont le préservatif où l'abstinence sexuelle.

"Nous cherchons dans le mode de vie africain, et nous disons pourquoi ne pas utiliser le «verouillage central» comme un moyen d'empêcher l'extension du virus", affirme ainsi Mutsa Chikede, de la Clinique de médecine naturelle du Zimbabwe. Il encourage donc les couples qui viennent le consulter à expérimenter, sur une base volontaire, le "verrouillage central", en rappelant qu'il peut être "débranché" en cas de décès où de divorce.

Selon lui, l'idée fait doucement son chemin et depuis qu'il a commencé à la recommander l'an dernier, au moins 45 couples ont décidé d'y recourir. Mutsa Chikede espère pouvoir en faire sa promotion lors d'un salon médical qui doit se tenir en octobre à Harare.

"Nous savons que le Zimbabwe survivra (au sida) et que nous pouvons contrôler l'infection", ajoute-t-il, en dépit des proportions alarmantes prises par la maladie dans son pays, où près d'un quart de la population est infectée par le virus VIH et où quelque 3.000 personnes meurent chaque semaine emportées par le sida.

Le ministre de la Santé, Timothy Stamps, seul ministre blanc du gouvernement zimbabwéen, a fortement condamné le recours à ces méthodes, qui constituent selon lui une "atteinte aux droits de l'Homme", puisqu'elles empêchent toute liberté au sein d'un couple.

"Le mariage n'est pas une prison, ni une forme d'esclavage", a-t-il déclaré et on ne peut pas traiter un conjoint "comme un animal pris au piège".

Les associations offcielles de lutte contre le sida y sont également opposées. "On ne connait pas encore les effets secondaires de telles pratiques", affirme Caroline Maposhere, de l'association Femmes et sida.

Et Mme Maposhere d'ajouter: "on n'enraye pas le sida en jetant des sorts, mais par un changement volontaire de comportement".