Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Yahoo ! renonce au sexe

Quelle mouche a donc piqué Yahoo ? Les dirigeants du portail américain viennent d´annoncer qu´ils renoncent à vendre en ligne des DVD et cassettes vidéo à caractère pornographique. Un commerce qu´ils menaient pourtant sans encombre depuis près de deux ans. En fait, le coup est parti du Los Angeles Times. Dans son édition du mercredi 11 avril, le quotidien de la côte ouest des Etats-Unis publie un article intitulé "La course aux profits conduit Yahoo ! à la pornographie". Le journaliste y annonce que l´entreprise de Santa Clara a décidé depuis quelques semaines d´étoffer son offre de produits pornographiques. Il y voit la tentative désespérée d´une dotcom pour trouver de nouvelles sources de revenus dans un contexte de ralentissement économique.
Les médias s´excitent pour rien
Quelques heures avant la publication de l´article du Los Angeles Times, les dirigeants de Yahoo ! publient un communiqué rappelant que "les produits destinés à un public adulte sont disponibles sur la boutique de Yahoo ! depuis deux ans". Le tout, précisent-ils, "sous contrôle étroit". De fait, si la vitrine de cette boutique est facile d´accès il suffit de taper le mot-clé "sex" dans le moteur de recherche interne de yahoo.com l´achat des vidéos est lsoumis à de multiples conditions : délivrance d´un numéro de carte bancaire, d´une adresse électronique, certification par l´internaute d´être un adulte. Le site apparaît donc inaccessible aux enfants. Las, le communiqué de Yahoo, publié pour calmer les esprits a au contraire pour effet de faire monter la température : les média relayant l´article du Los Angeles Times - annoncent que Yahoo ! se lance dans le commerce pornographique. "Le gros dossier du Los Angeles Times a mis en exergue ce qui existait déjà depuis deux ans. C´est un non-événement, il n´y a eu aucune présentation de quoi que ce soit de nouveau. Mais il y a eu beaucoup de reprises dans la presse, à notre grande surprise", estime Nathalie Dray, responsable de la communication de Yahoo ! France. L´incendie est allumé.
Appels au boycott
De nombreux internautes s´excitent alors sur leur clavier pour protester par courrier électronique auprès de la direction de Yahoo. Dans le même temps, le Capitol Resource Institute, un groupe de pression conservateur de Sacramento (Californie), met de l´huile sur le feu et appelle les consommateurs à boycotter le portail, en s´appuyant sur l´article du Los Angeles Times. "Et si un message publicitaire à caractère pornographique faisait irruption sur l´écran pendant qu´un enfant utilise la messagerie électronique de Yahoo ?", s´horrifie l´association dans un communiqué. C´est, enfin, le mufti d´Arabie saoudite qui appelle, ce vendredi, les musulmans à boycotter les sites qui cherchent le profit "aux dépens de la morale ".
Yahoo prend des mesures
Dépassée par les événements, la direction de Yahoo décide de prendre des mesures drastiques pour calmer ses usagers énervés. "Nous les avons entendus et avons répondu rapidement", explique Jeff Mallett, le PDG du groupe. De fait, les DVD, cassettes vidéos et bandeaux publicitaires à caractère pornographique vont disparaître des écrans de Yahoo dans les prochaines semaines. Cette mesure ne concerne que partiellement le site français, qui se contentait de diffuser des bandeaux publicitaires vantant les vertus de sites tels que Megabaise, Xfrançais ou Favorisexe... "En France, il y a déjà un moment que nous réfléchissions à une refonte totale de l´annuaire pour adultes", précise d´ailleurs Nathalie Dray. Les clubs de discussion pour adultes sont "protégés" (on y donne son âge avant d´y entrer, et évidemment si on est mineur, dehors !) et Yahoo France envisage sérieusement de bloquer l´accès aux annuaires de sexe pour les mineurs. Comment ? On ne sait pas encore précisément. Quoi qu´il en soit, l´utilisateur de Yahoo pourra toujours comme sur n´importe quel autre portail - dénicher de " bonnes adresses " en passant par le moteur de recherche du portail.

Le retour des censeurs
L´incident ne contribue guère à éclairer la ligne éditoriale de Yahoo. Au nom de la liberté d´expression, le portail américain refusait d´interdire l´accès à des reliques nazies mises en vente sur son site d´enchères. Aujourd´hui, il déciderait de pratiquer l´autocensure, sous la pression de lobbies conservateurs ? "Yahoo ne veut pas se poser en censeur, faire de la morale, justifie Nathalie Dray. Simplement, l´Internet d´aujourd´hui n´est pas celui d´hier. C´est devenu un média de masse : il y a des choses qu´on ne peut plus faire. Nous touchons de plus en plus le grand public, nous n´en somme plus aux petites niches". Il ne s´agit donc pas de morale mais de business. Fort de 185 millions de visiteurs mensuels, Yahoo est devenu une machine à forte diffusion et n´a donc d´autre recours que de céder au politiquement correct. Dès mercredi, des analystes financiers émettaient des doutes sur la stratégie économique de Yahoo, qui, pour grappiller quelques pennies sur le commerce pornographique, prendrait en fait le risque de souiller son image de marque. Yahoo, comme Danone, est aux ordres de la Bourse.