Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


L'Efficacité versus l'Efficience dans la gestion des budgets communautaires; est-ce que nous subventionnons trop et ne questionnons pas assez?

Efficacité: n.f. Qualité de ce que produit l'effet qu'on en attend: Efficacité d'un moyen.

Efficience: n.f. Capacité de produire quelque effet. L'efficience d'une technique.

Depuis des années, les subventions font vivre des centaines de concepts allant du communautaire au bénévolat en passant par le commercial en quête d'une chance de commencer quelque chose. Dans cette analyse, nous ne parlerons que de ce qui touche le communautaire et le bénévolat.

Dans le communautaire, de toute évidence et dans la majorité des cas, il serait impossible d'arriver à faire quoi que ce soit sans une aide gratuite, désintéressée et stable. Les subventions de l'état viennent donc permettre l'existence de plusieurs activités communautaires touchant toutes les sphères de la vie en général. Santé, éducation, social, sports, loisirs, culture bref, tout est susceptible d'être subventionné et c'est d'ailleurs le rôle de l'état de le faire. Là où il n'existe aucun autre moyen de répondre à un besoin et là où ce besoin peut être traité de façon simple, la subvention arrive et permet la réalisation de ce besoin.

Dans la communauté gaie, un bel exemple de subvention est le domaine du SIDA. Il existe de nombreux organismes dans cette communauté qui traitent de la question du SIDA. Il faut loger les sidéens (maisons d'hébergement), les alimenter adéquatement (Fondation d'aide directe SIDA-Montréal), leur fournir des soins spécifiques (Fondation Farha), quelques fois des loisirs et souvent, beaucoup. Si les bénéficiaires de ces services devaient payer l'entièreté de ce qui leur est donné, il en coûterait tellement cher que personne finalement n'arriverait à en bénéficier. Les subventions permettent donc à un ensemble de projets d'oeuvrer en complémentarité et ce, pour tenter de régler ou de diminuer l'impact d'un problème social particulier.

La Fondation Farha

Le Québec est le champion au Canada quant au bénévolat et aux organismes communautaires. En effet, per capita, les organismes recoivent beaucoup de subventions ici mais personne se semble se questionner sur l'efficience de ces subventions. Est-ce que tout l'argent donné contribue à faire bouger les choses, avons-nous des statistiques qui prouvent que quelque chose à été réglé définitivement grâce aux subventions? Ce sont la des questions qu'il faudra se poser collectivement un jour. Le visage du SIDA change grâce aux médicaments, est-ce que les organismes SIDA recoivent autant d'argent qu'avant? Actuellement, pour la majorité oui mais voilà, un truc que les organismes ont tendance à utiliser pour garder leurs subventions est le "changement de vocation".

Avant, on habritait des personnes en perte d'autonomie dans les maisons SIDA alors que maintenant, on parle de "réinsertion", comme si les résidants avaient oublier comment se servir d'une fourchette et payer un loyer.

Pour mieux imager le dossier actuel, Le National a étudié les états financiers de quelques organismes communautaires qui recoivent de l'aide publique et qui tiennent des états financiers. Il est bien important ici de prendre note que l'objet de l'exercice n'est pas de savoir si la gestion financière est conforme. Le National ne s'est contenté d'étudier que les états financiers sans les vérifier. Il s'agit ici de mettre en évidence des ratios efficacité-efficience, nonobstant le type de gestion afin de nous questionner sur ce qui serait un taux acceptable.

C'est ainsi que dans le cas de la Coalition Sida des Sourds du Québec, on constate dans les états financiers que pour l'année 1999, on avait un budget de 86,814$ et qu'on a consacré près de 74,639$ à des dépenses indirectes.

86% des sommes reçues par l'organisme vont aux salaires et à l'administration alors que moins de 13,000$ vont aux services, et nous placons ce dernier chiffre sous toute réserve compte tenu qu'il comporte des frais de déplacement de plus de 5000$ pour l'année.

Est-ce que nous pouvons doûter de l'efficacité de l'Organisme quant à la recherche de fonds? Absolument pas.

Est-ce que nous pouvons parler d'efficience quant aux objectifs? Non plus.

 

 

 

Le BBCM, Bad Boys Club Montreal, organisme se prétendant venir en aide aux sidéens en organisant des danses, a probablement le ration le plus inacceptable quant à l'efficience de ses activités.

Sur la base d'états financiers datant de quelques années (le BBCM cache maintenant ses chiffres), on pouvait constater que plus de 90% des sommes amassées sous formes de subventions et ventes de billets, moins de 10% allaient à des dons, dont une partie à un autre organisme SIDA chapeauté par le BBCM.

Il est clair qu'en participant à ces partys, les clients ne doivent pas s'attendre à ce que leurs billets servent à changer quelque chose à la situation précaire des sidéens puisque l'argent va en réalité à l'organisation d'autres événements quand ce n'est tout simplement pas dans des dépenses que certains qualifient de grotesques!

Est-ce qu'il y a efficacité de la part du BBCM? Bien sûr puisqu'ils recommencent à chaque année.

Est-ce qu'il y a efficience? NON.

 

Fondation d'Aide Directe Sida-Montréal

La Fondation d'Aide Directe SIDA Montréal quant à elle présente une situation trés intéressante. D'abord soulignons que la fondation se comporte de façon exemplaire et transparente en publiant sur son site web ses états financiers complets, sans restrictions. Quant à son exrcice financier, on note que pour des revenus de 579,035$ en 1999, les dépenses indirectes à l'aide touchent les 183,972$ ce qui donne un ration de 32% de frais administratifs ce qui est très près de la norme idéale prescrite par Centraide (25%).

Ce qui ressort aussi de ces états financiers est le montant qui va directement à l'aide aux bénéficiaires de la fondation, 377,960$. Est-ce que la Fondation est efficace? Surement, même si elle aurait besoin d'un coup de main supplémentaire pour répondre à la demande.

Est-ce que la Fondation est efficiente? Il faut admettre ici qu'il s'agit d'un rare organisme communautaire subventionné qui a un tel taux d'efficience quand 68% de ce qui est reçu va à l'aide alimentaire directe aux bénéficiaires. Voilà ce que l'on pourrait qualifier de bel équilibre entre l'efficacité et l'efficience.

Jeunesse Lambda

 

PRIMEUR: Après avoir demandé au National d'attendre une semaine pour préparer ses états financiers, l'organisme nous annonçait hier que ses états étaient secrets et qu'on ne livrerait pas ces chiffres au National.

Cette situation soulève à nouveau le devoir de transparence des organismes qui recoivent de l'argent de l'état et du public. Qu'est-ce qu'on a à cacher de si horrible que ça à Jeunesse Lambda?

Ceux qui nous connaissent savent que nous n'en resterons pas là, le passé ayant toujours démontré que ceux qui cachent leur gestion de l'argent public ont des raisons pour le faire. Le National tiendra informé ses lecteurs de la situation.

En attendant, une protestation officielle a été envoyée à Jeunesse Lambda et comme nous savons que les principaux bailleurs de fonds de l'organisme sont des lecteurs du National, nous leur demandons leur intervention rapide afin de permettre à la presse de faire son travail auprès de cet organisme.

Conclusions

Il existe dans nos organismes communautaires un réel problème quant à l'efficience vs l'efficacité. Il s'agit-là d'un concept nouveau qu'il faudrait commencer à étudier avant la remise de subventions ou de dons avec l'objectif de permettre de faire plus avec les mêmes moyens, de potentialiser les effets quoi! Si les administrateurs avaient l'obligation d'efficience ou le devoir de résultats, il est à parier que nous arriverions à beaucoup plus avec les moyens actuels. À l'ère des coupures, est-ce qu'il ne s'agirait-pas là d'une piste de solution intéressante?