Par Le National
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Le Brésil se dote d'un Code Civil moins machiste après 26 ans de débats

BRASILIA, 21 août (AFP) - Après vingt-six ans de débats, le Congrès brésilien vient d'approuver un code civil qui supprime les archaïsmes du vieux code de 1916 en reconnaissant notamment aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes.

Ce nouveau code où l'expression "patrio poder" (pouvoir souverain du père dans les décisions de famille) a été remplacée par "pouvoir de la famille", permettant ainsi à la femme d'exercer ce pouvoir, doit encore être soumis à un second vote à la Chambre des Députés avant d'être sanctionné par le président Fernando Henrique Cardoso. Et il n'entrera en vigueur que dans deux ans.

A l'étude depuis 1975, objet de polémiques, d'amendements, de manoeuvres parlementaires et de retards, le nouveau code civil a éliminé les points les plus archaïques de celui du début du siècle où un homme pouvait, par exemple, annuler le mariage s'il constatait que sa femme n'était pas vierge. Ou encore, celui qui permettait à un père de déshériter sa fille s'il la considérait "malhonnête".

Toutefois, le Brésil avait été en avance sur d'autres pays en octroyant le droit de vote aux femmes dès 1932. Même si, pour les femmes mariées, l'exercice de ce droit était soumis à l'autorisation du mari. Les célibataires et les veuves devaient quant à elles justifier de revenus propres.

Dans le nouveau code civil, l'homme gagne quant à lui, le droit d'avoir, en cas de séparation, la garde des enfants qui revenait presque toujours à la mère.

D'après le nouveau texte, ce droit de garde des enfants reviendra à celui des deus parents qui aura les "meilleures conditions de l'exercer". Un juge évaluera les critères tels que la volonté des enfants, la stabilité émotionnelle et financière des parents tout comme leur niveau d'instruction.

Désormais, l'homme pourra aussi choisir d'adopter le nom de famille de sa femme lors du mariage et le contrat de mariage (communauté ou séparation des biens) pourra être modifié au cours des années, ce qui était interdit.

Le nouveau code reconnait l'union stable, hors mariage, et donne des garanties aux enfants nés de relations extra-conjugales.

"Du point de vue de l'histoire juridique brésilienne, il s'agit d'un grand moment car le Code Civil, comme disait un vieux professeur, est une loi aussi robuste qu'une cathédrale", a estimé le ministre brésilien de la Justice, José Gregori.

Néanmoins, certains juristes affirment que "le nouveau Code Civil est né déjà vieux". Ils considèrent que certains thèmes d'actualité n'ont pas été pris en compte: le projet de mariage entre homosexuels est encore à l'étude au Congrès et la reproduction assistée, le problème des mères porteuses, le clonage, ou les questions liées à l'internet n'ont même pas été abordées.

"Du point de vue technico-juridique, le texte est une oeuvre d'art. Mais malheureusement, le code est né vieux et un peu dépassé en raison du lent processus législatif", a déclaré un spécialiste en droit de la famille, Luiz Antonio Sampaio Gouveia.

"Ce code est vétuste et hors de la réalité", a affirmé quant à lui l'avocat Sergio Couto, en se référant à la jusrisprudence. Les spécialistes affirment travailler depuis longtemps déjà sur des questions présentées comme des nouveautés dans le code.

"L'octroi de la garde des enfants au père est déjà courante dans les tribunaux brésiliens et ce qui est vraiment moderne c'est la «garde partagée» que de nombreux juges appliquent déjà aussi", a rappelé l'avocat Paulo Lins et Silva.

"Le nouveau code civil n'apporte pas de grandes nouveautés mais modifie des lois extravagantes", a conclu Silva.

Profitant de sa lancée, le gouvernement brésilien souhaite maintenant transformer le code Pénal, qui date de 1941 et est aujourd'hui confus et contradictoire.